mercredi 25 mai 2016

Chapitre 8: La reine d'Isla Nublar

Chapitre VIII
La reine d’Isla Nublar


     Marc sortit son petit portefeuille en cuir noir de sa poche arrière. Il déplia celui-ci, prit la carte bancaire d’un des compartiments et l’emboîta dans l’appareil. Il se trouvait actuellement au comptoir d’accueil du restaurant spécialisé dans les grillades. Ce comptoir était en bois avec l’enseigne Winston’s en métal qui dépassait et créait un effet 3D.
     Le serveur, un jeune homme souriant vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon noir, rendit la carte à son propriétaire avec un large sourire et le remercia en lui souhaitant une agréable journée. Les Smith lui rendirent la pareil et quittèrent le restaurant le ventre plein.
     Marc tapota le sien grossièrement en le gonflant.
     - Je ne sais pas vous  mais j’ai trop mangé !
     Lizzy Smith émit un rire qui raisonna dans Main Street.
     - Mange, tu ne sais pas qui va te manger, renchérit-elle.
     La famille se trouvait en face du Samsung Innovation Center avec ses magnifiques fontaines qui produisaient des clapotis apaisant. L’avenue principale n’était gère pleine comparé à plus tôt. Un élément soigneusement planifié par Marc qui avait su comprendre quand les visiteurs allaient partir manger dans les différents restaurants et services que proposaient le parc. C’était le principal point fort du père de famille. Tout ce qu’il pouvait planifier, il le planifiait. Tout. Evidement, pour ce petit week-end à Jurassic World, il avait tout préparé comme un général prépare sa stratégie. Seul lui et Lizzy connaissaient le plan, pour ne pas leur gâcher la surprise. Marc le connaissait sur le bout des doigts.
     Un portail se dressait sur leur gauche tel un nouveau monde, un territoire non contrôlé par l’Homme : Le Tyrannosaurus Rex Kingdom. L’attraction phare du parc, celle rencontrant le plus de succès –après le Gentle Giant Peeting Zoo- auprès des très nombreux visiteurs voulant observer et admirer le « Roi des lézards tyrans ». Parfois, quand on se baladait sur les rives nord du lagon, on pouvait entendre le puissant rugissement de l’animal qui se répercutait sur les montagnes, faisant envoler un nombre incalculable d’oiseaux. Il pouvait même arriver parfois qu’il réponde à celui projeté dans l’attraction IMAX Pterosauria.
     Le portail ressemblait quelque peu à celui aperçut plus tôt, traversé par le monorail. Le nom du parc était attaché en haut, perché à une dizaine de mètres du sol. A côté, un troupeau de visiteurs de nationalités différentes sortirent de la station de monorail du coin.
     - On peut y aller ? Demanda John, pressé de découvrir son dinosaure préféré.
     - C’est parti, lança Lizzy avant même que Marc n’ouvre la bouche.
     Ils passèrent juste en dessous du portail qui les dominait. John l’inspecta dans les moindres détails en passant. De la petite fissure jusqu’aux petits plis des fausses pierres. Le large chemin bétonné se divisa en deux. Les Smith prirent la partie de droite instinctivement, bercés par une musique d’ambiance qui sortait des plantes qui se trouvaient sur les bords. Elle était composée de tambours et d’autres instruments à percussion qui produisaient  une sorte de musique guerrière. Des voix masculines viriles l’accompagnaient renforçant le côté tribal et l’impression de pénétrer dans un monde préhistorique.
     Ils se trouvaient dans un grand couloir à l’air libre bordé de murs en fausse pierre. Des plantes tropicales avaient été soigneusement installées près de ces murs sur des cailloux blancs. Une nuée de cloueurs resplendissait dans les lieux avec de splendides fleurs importées du monde entier. La famille arriva dans un espace moins restreint mais toujours entouré des faux murs. Un labyrinthe de barrières se formait devant eux avec d’autres visiteurs. Marc et sa famille prirent une voie sur la gauche, spécialement réservée pour les visiteurs possédant un RaptorPass.
     Les briques sur le sol venaient d’être lavées et étaient encore humides. Cette humidité se sentait dans l’air avec des brumisateurs qui vaporisait de l’eau sur les visiteurs en quête de fraîcheur et de sensations fortes.
     Une voix de femme –la même que sur le quai et Main Street- sortit des hauts parleurs :
     - Bienvenue au Royaume du T-rex, nous vous rappelons que cette attraction est susceptible d’impressionner les plus jeunes.
     Clarissa ne put s’empêcher de se moquer de son frère.
     - N’est-ce pas John ? Fit-elle sur un ton supérieur.
     John savait ce qu’il allait lui répondre, il avait de la réparti.
     - Dit celle qui pleure dès qu’elle voit une araignée… Commenta t-il.
     Marc, qui suivait la scène avec amusement, ne pu se retenir d’aider son fils.
     - Et 1 à 0 pour John ! Clarissa tu peux retourner te coucher.
     - C’est parti, ils vont recommencer… Se plaignit Lizzy. Qu’est-ce qu’il vous arrive ? Ca allez mieux depuis tout à l’heure pourtant.
     - C’est lui qui a commencé ! Mentit sa fille.
     - Quoi ?! Arrête de fumer des fougères, je ne t’ai rien fait !
     Marc, voyant la situation dégénérer, décida d’intervenir puisque c’était son rôle en temps que père de famille de faire la loi. Mais aussi pour paraître bien aux yeux de sa femme.
     - Stop ! On va se calmer et attendre que le spectacle commence. D’accord ?
     John et Clarissa se tournaient le dos, en croisant les bras comme ils le faisaient à chaque fois qu’ils se chamailler.
      Un panneau bleu turquoise était accroché juste à leur gauche. Il s’agissait d’un panneau informatif que l’on retrouvait dans chaque attraction.
      On pouvait lire :

« T-REX NOURRIT DANS 2 MIN 00 »

     Ces 2 minutes furent interminables en raison de la chaleur qui s’accumulait dans ce petit espace et des nouvelles chamailleries entre les deux adolescents. Ils se disputaient pour des raisons insignifiantes, allant du « tu m’as donné un coup de coude » à « rends-moi ma brochure ! ».
     Puis un employé descendit les petits escaliers métalliques en vitesse, clefs à la main. Il ouvrit la petite barrière en métal marron devant les Smith pour qu’ils puissent rentrer avant de la refermer à nouveau. Il procéda de la même manière avec les visiteurs lambda –ceux qui n’avaient pas de RaptorPass. Marc, Lizzy, John et Clarissa étaient en tête de fils, accompagnés d’une armée de visiteurs voulant apercevoir un Tyrannosaure. Un animal ressuscité par le pouvoir de la génétique…
     Ils se trouvaient dans une sorte d’énorme tube boisé pouvant laisser entrer facilement des personnes de plus de 2 mètres de haut. L’intérieur était recouvert de bois par endroit, d’autres étaient peint en marron ou en beige. De longues doubles baies vitrées s’étendaient sur des dizaines et des dizaines mètres. Elles permettaient de laisser passer de la lumière et voir de plus près l’extérieur. De gigantesques séquoias aux troncs larges de plusieurs mètres formaient une dense forêt.
     La voix de la femme expliqua quelques informations aux visiteurs qui avaient soif de savoir.
     - Ces séquoias, véritables tours naturelles, avaient été plantés là il y a des années, en 2004 lors de la construction de l’attraction. Ils proviennent d’une forêt californienne où ils y étaient depuis de très nombreuses années. En effet, il aurait fallu des centaines d’années après que les graines aient été plantées pour obtenir ce résultat spectaculaire, symbole de la puissance de la nature.
     John prit une photo de ces arbres ainsi que du sol boueux, pleines de feuilles mortes. Des squelettes et des carcasses d’animaux gisaient sur le sol. Une chèvre en pleine décomposition se trouvait par terre, dévorée par les asticots, les vers de terre et par quelques rongeurs affamés. Un nuage de mouches volait au dessus d’elle, se posait parfois dessus. Le pauvre animal n’avait visiblement pas plu à son prédateur qui n’y avait quasiment pas touché. Il s’était contenté de lui briser la nuque par la force de ses mâchoires et de la laisser tomber lamentablement dans la boue telle une fleure morte. La chèvre paralysée, mais bien vivante, se fracassa ce qui éclaboussa les alentours. Puis elle se vida de son sang, pendant des minutes, sous les yeux stupéfaits des visiteurs. Ces derniers se prenaient en photo, sourire au visage, devant l’animal agonisant, attendant son heure. Personne ne se souciait de son sort. Personne ne voulait l’aider à partir en paix et en douceur. Au lieu de cela, ils se contentaient de rigoler et de publier fièrement leurs photos sur leurs comptes Facebook et Twitter. Quelques enfants et personnes étaient choquées mais très peu par rapport aux autres qui en voulaient toujours plus… Cet endroit n’était pas une attraction. Non. Il s’agissait d’une boucherie, d’un abattoir, où l’on envoyait des animaux pour mourir, sans aucune forme de respect.
     La chèvre était toujours là, elle n’avait point bougé depuis les quelques jours qu’elle était là… De ses yeux pourtant brillants et inoffensifs, sortait maintenant un vers dans son nouveau logement. Le sang se mêlait aux flaques d’eau. Les rares morceaux de chaire qui avaient été arrachés étaient en putréfactions, devenus grisâtres et noirâtres. Son pelage noir et blanc n’était plus doux. Il était désormais sec et taché de sang pourpre. L’animal gisait là, prêt d’un des très nombreux séquoias, presque utilisé comme décor.
     John se reteint de vomir à la vue de cette horreur. Une horreur que peu de touristes avaient remarqué.
     N’y pense pas, se dit-il, c’est normal c’est la nature.
     La voix poursuivit sa tirade.
     - Pour les transporter jusqu’ici, il a fallut un long travail de déracinement. Puis ils ont été transportés par 2 hélicoptères pour chaque arbre vers un cargo qui les a amené jusqu’ici, dans ce fabuleux spectacle !
     Ils arrivèrent à un endroit avec une baie vitrée beaucoup plus grande, à échelle humaine.
     - Vous voilà arrivé, annonça la voix. Etes-vous prêt à admirer notre Tyrannosaurus rex ?! Vous serez certainement étonné d’apprendre que ce spécimen vit ici depuis près de 25 ans ! D’abord fabriquée par les scientifiques de Jurassic Park, l’animal fut capturé bien plus tard en 2002 par les équipes d’InGen et de l’ACU pour devenir le symbole et la meilleure attraction de Jurassic World ! Notre régisseur va préparer le repas du roi du Crétacé, veuillez patienter quelques secondes.
     A cet instant, une trappe s’ouvrit et une chèvre –sur un plateau qui se levait- apparut attachée par une chaine.
     - Et voilà le repas du T-rex, poursuivit la narratrice.
     Pitié, faites qu’elle ne subira pas le même sort que l’autre, pensa John.
     Une fumigène rouge vola et tomba à proximité de l’animal calme et qui ne savait pas encore la destiné qui lui avait été soigneusement réservée.
     - Nous savons désormais depuis peu de temps que le T-rex est peu réceptif à la chaleur. Nous avons quand même gardé rien que pour vous la tradition du lancé de fumigène.
     Un tremblement se fit sentir et les genoux des visiteurs se pliaient sous la puissance du choc. Puis un autre. On aurait dit un séisme.
      - L’attention est à son comble, je crois que le « roi des lézards tyrans » à senti la nourriture ! Ne vous inquiétez pas, vous vous trouvez actuellement dans un tube en béton armé capable de subir de nombreux assauts de ce tyrannosaure. Un véritable dieu du crash test ! De plus, les doubles vitres sont épaisses de plusieurs centimètres. Votre sécurité est notre priorité ! Quant à notre régisseur, il est perché assez haut pour que le dinosaure ne puisse l’atteindre.
     Les pas se rapprochèrent, de plus en plus vite, de plus en plus forts, jusqu’à devenir un tremblement continu. Les visiteurs se pressèrent contre la vitre, se bousculaient. John était devant, aux premières loges pour assister à l’exécution. Son cœur bâta à tout rompre.
      La chose apparut finalement sur la droite. Haute, massive, puissante. Elle se tenait sur ses pattes musclées, légèrement pliées et permettaient de supporter les plusieurs tonnes que pesait son corps. Sa longue queue remuait comme un balancier et servait à équilibrer le poids le long du corps. Sa tête était grosse et extrêmement puissante, capable de briser n’importe quoi qui puisse passer à sa portée. Les dents courbées du haut, tranchantes, passaient devant la mâchoire du bas. Ses yeux humides fixaient la chèvre intensément.  
     Le T-rex était en mouvement. Il marchait d’un pas rapide et lourd vers sa victime. La chèvre essaya de s’enfuir mais elle était retenue par la chaîne. Le piquet au quelle elle était attaché se pliait mais ne rompait pas. La petite chèvre à la robe noire et marron poussait des beuglements de désespoir face à son prédateur qui s’approchait d’elle sans lui laisser une seule chance. Le T-rex ouvrit sa gueule, se pencha et attrapa l’animal au passage. Le piquet s’arracha. La chèvre, encore vivante se débattait, coincée entre les dents du dinosaure qui s’étaient enfoncés d’une vingtaine de centimètres dans son corps fragile. Le Tyrannosaure ferma un peu plus la mâchoire. Un craquement se fit entendre. Les os de la chèvre s’étaient tous brisés. Elle était morte…
     C’était l’euphorie dans le faux tronc d’arbre. Ce spectacle, glauque et lugubre amusait tout le monde. Lorsqu’il entendit le craquement, John frissonna et baissa les yeux. Son père et sa mère regardaient, ainsi que les autres visiteurs, l’action. Clarissa était pendant ce temps là sur son portable, écouteurs aux oreilles, appuyée contre la vitre, dos à la scène.
      Du sang et de la bave coulaient de la gueule du prédateur affamé. Il avala le reste de la chèvre en levant d’un coup sec sa tête. Lorsqu’il claqua ses mâchoires, la chaîne se brisa et tomba avec le piquet.
     - On pourrait croire, reprit la voix, que les petits bras du Tyrannosaurus Rex sont fragiles. Mais cela est faux, ils sont incroyablement puissant. Notre spécimen mesure près de 12 mètres de long pour 9 tonnes. Et sachez qu’il peut mordre avec une force supérieure à 5 800kg !
     John avait l’appareil photo en main mais ne l’utilisait pas, trop choqué pour cela. Il regarda son père qui pourtant s’amusait. Il appuya finalement sur le bouton et prit la photo, pas pour lui mais pour son père. Pour qu’il puisse garder un souvenir de son voyage qui s’annonçait inoubliable. Le T-rex poussa un rugissement qui fit trembler les vitres, il se trouvait juste en face. John prit une nouvelle photo de cet instant. Puis, il remarqua qu’il avait devant lui son dinosaure préféré, en chair et en os. Il oublia soudainement les horribles images qu’il avait aperçut il y a quelques secondes avec la chèvre. Sa bouche forma un sourire et ses yeux marron pétillèrent. Les visiteurs le bousculaient, l’écrasaient contre la vitre mais il ne disait rien. Il était heureux, du moins pour l’instant… Les images de la chèvre revinrent quand il vit des morceaux de chaire jaillir de sa bouche.
     Enfin, l’animal reparti d’où il était venu et disparu derrière les séquoias géants.
     La voix de la femme revint quant à elle :
     - Le spectacle est désormais terminé, veuillez poursuivre votre chemin vers la sortie au fond du couloir. N’hésitez pas à observer l’extérieur au cas où le Tyrannosaure aurait décidé de vous dire au revoir !
     Les visiteurs reprirent la marche non sans prendre leur temps, ce qui énervait Marc. Ce bouchon inutile allait retarder son programme ! Chaque visiteur regardait la vitre en espérant revoir le dinosaure emblème du parc. Ils arrivèrent à la sortie, au fond du tube. Le mot « sortie » était écrit en plusieurs langues, alternant entre blanc et jaune, sur un fond bleu turquoise.
     Une voix masculine, l’une de celles entendues sur le quai, sortait de hauts parleurs :
     - Merci de vôtre visite au Royaume du T-rex ! N’hésitez pas à revenir faire le plein de sensations fortes plus tard, le prochain repas aura lieu dans 2 heures. Il faut bien que notre dinosaure digère un peu ! 
     Non merci, se dit John, j’en ai déjà vu assez.
     Ils descendirent un large escalier en bois, de quelques marches. Le soleil se cogna à eux violemment. Après avoir passé tant de temps dans ce tube, au frais, la chaleur paraissait plus insupportable maintenant.
     Ils étaient encore une fois bordés de faux murs en pierre, imitant ceux des châteaux forts. La musique guerrière et préhistorique qu’ils avaient entendue précédemment poursuivait sa lecture inlassablement. Il est vrai que les musiques d’ambiance du parc étaient particulièrement réussies. Elles avaient le pouvoir de vous plonger directement dans les différentes ambiances des attractions du parc. Celle là était redoutablement efficace. Elle symbolisait le côté préhistorique du dinosaure avec les percussions aigues et graves, les voix guerrières représentaient l’instinct de chasse de l’animal…
     Les Smith passèrent le portail du spectacle. Cette fois-ci, Main Street était de nouveau bondé. Les visiteurs avaient quittés pour la plupart les restaurants et autres sandwicheries. Certains partaient vers le Samsung Innovation Center pendant que d’autres en sortaient, certains allaient en direction du Gentle Giant Peeting Zoo, etc. Une véritable fourmilière…
     - Où va-t-on maintenant ? Demanda Lizzy.
     Marc jeta un coup d’œil à sa montre.
     - Direction le lagon pour l’Observatoire Sous-marin.  Il est 14h45, on a encore le temps, fit-il avec un sourire avant d’embrasser sa femme.
     John n’avait quasiment rien entendu, trop plongé dans ses pensées pour entendre quoi que ce soit. Il repensait à cette chèvre. On ne lui avait donné aucune chance.

     Le T-rex peut paraître cruel mais il mange pour se nourrir et chasser. Ici l’Homme ne mange pas la chèvre, il l’envoie à la mort, sans aucune compassion, pour de l’argent et se divertir… L’Homme a-t-il le droit de jouer avec la nature ? De décider qui allait vivre et qui allait mourir ? De prendre ou donner la vie ? Un jour, la nature se réveillera et rétablira l’équilibre, comme elle l’avait fait avec les dinosaures…  

samedi 21 mai 2016

Chapitre 7: Recherche

Chapitre VII

Recherche

     Daryl Blake et son stagiaire Jimmy Maney venaient de déposer leurs deux passagers au Sud du lagon artificiel, dans le quartier des hôtels de l’île. Ils se trouvaient toujours dans le 4x4 Mercedes Classe G argenté aux couleurs de Jurassic World et partaient en direction du Centre des employés situé dans la Restricted Area.
     Ils atteignirent la porte 5 de la grande clôture électrifiée qui faisait office de frontière entre le parc et le nord de l’île. Ce portail était entièrement en béton armé, deux hommes armés, portant des chemises bleues et des casquettes grises, montaient la garde sur une passerelle métallique.
     Daryl s’arrêta devant, ouvrit la portière et descendit en restant collé à celle-ci.
     - Salut, les gars ! On peut passer s’il vous plait ?
     - Bonjour capitaine Blake. Aucun souci, dit un des deux hommes.
     Ce dernier fit glisser son badge de haut en bas sur la console et un bruit sourd ce fit entendre. La large et lourde porte métallique coulissa lentement, dévoilant une petite plaine ou se poursuivait une route en terre.
     - Merci ! Fit Daryl en montant dans son véhicule.
    Il roula au pas sous le portail puis accéléra dans la plaine.   
     Jimmy se tenait fermement à la poignée de la portière. Les occupants du véhicule étaient violement secoués à cause de la route boueuse et pleine de nids de poule. Leurs estomacs commençaient à se retourner.
     - On arrive bientôt ? Demanda le stagiaire, l’estomac au bord des lèvres.
     Son visage avait pris un teint très pâle. La nausée était là, elle serpentait à l’intérieur de son corps, zigzagant d’organes en organes, lui coupant sa respiration, son cœur s’emballait, ses muscles se contractaient…
     - Arrête-toi !!! Hurla-t-il comme un demeuré.
     Daryl pila, littéralement. Jimmy ouvrît la portière brusquement et se précipita à l’extérieur. Il s’engouffra dans la jungle où il disparu. Il courait pour trouver un coin où il pourrait vomir.
     Soudain, il trébucha sur une racine !
     Il roula plusieurs fois au sol avant de s’arrêter. Son dos était endolori à cause des nombreux coups. Après un effort surhumain, il réussit à se redresser.
     La nausée vînt à bout de lui en lui contractant avec force l’estomac ainsi que ses abdominaux. Le stagiaire déglutit le repas qu’il avait ingurgité une heure et demie plus tôt, rapidement, pour ne pas être en retard. Jimmy respira l’air frais. Cette chose invisible, pure et vitale, pénétra dans ses poumons et le soulagea. Il se sentait enfin mieux.
     Mais la douleur au dos revint telle une flèche empoisonnée. Elle s’étirait de plus en plus, comme un liquide se propageant dans son corps. Jimmy porta la main à son dos et se pencha un peu en arrière pour essayer de soulager –un peu- la douleur. Mais rien y faisait, elle le déchirait. Il serra les dents de plus en plus fort en fermant les yeux. Quand il les rouvrit, il remarqua qu’il était seul, au milieu de nombreuses plantes.
     Il était déboussolé et ne savait pas d’où il était arrivé.
     La panique commença à se mêler à son horrible douleur.
     Bon sang ! Pensa-t-il.

***

     Daryl se trouvait encore dans la Mercedes, assis face au volant, le regard tourné vers la jungle. Il attendait que Jimmy revienne. Mais le stagiaire ne pointait toujours pas le bout de son nez. Les minutes se faisaient de plus en plus longues. Il coupa le contact et le ronronnement grossier du moteur laissa la place aux bruitages de la jungle.
     Puis les branches se mirent à bouger de plus en plus fortes. L’inquiétude de Daryl disparaissait. Le voilà enfin ! se dit-il. Ce garçon m’aura fait tout voir.
     Les branches s’arrêtèrent de bouger.
     Daryl remarqua que tous les autres végétaux s’étaient mis à bouger eux aussi. Il comprit qu’il ne s’agissait pas de Jimmy mais du vent… Où était-il ? Que faisait-il ? Etait-ce une blague ?
     L’inquiétude refît surface, plus puissamment qu’avant. Le cœur de Daryl battait de plus en plus fort, sa respiration s’accélérait. Sans le remarquer, Daryl serrait nerveusement son volant. Il avait chaud et ses vêtements de Rangers absorbaient sa sueur.
     L’homme retira sa ceinture et sortit du véhicule. Il claqua la portière puis observa une nouvelle fois la jungle, attentif au moindre mouvement. Toujours rien hormis le vent qui se jouait de lui. Au moindre petit frétillement de feuille, la tension montait chez lui.
     Allez !
     Toujours rien.
     Il fit le tour du 4x4 et s’approcha de la jungle. Il scruta l’environnement en quête d’indices mais ne vit rien.
     - Jimmy !!! Cria-t-il à plein poumon.
    Sa voix se cognait contre chaque tronc d’arbre ce qui eut pour effet de créer un écho. Daryl n’avait toujours pas de réponses. Il était tenté de pénétrer cette jungle mais il se dit qu’il ne valait mieux pas le faire. S’il se perdait lui aussi, il empirerait la situation à coup sûr.
     Il se dirigea vers le véhicule et y récupéra à l’intérieur son téléphone portable. Il déverrouilla l’écran en faisant glisser son doigt dessus. Une photo de sa femme, ses enfants et lui apparut en fond d’écran. Daryl cliqua alors sur son répertoire et fit défiler la liste jusque les « H ». Il cliqua ensuite sur « Katashi HAMADA ». Il porta son portable à son oreille droite et plusieurs bips retentirent. Ils étaient interminables et Daryl espérait que son ami décrocherait.
     - Allo ? Fit la voix d’un homme au léger accent japonais.
     - Katashi ?! C’est Daryl. Je t’en supplie, dis-moi que tu peux m’aider !
     Le ton d’Hamada changea à ce moment là. Il comprenait que son ami avait un problème.
     - Qu’est ce qu’il se passe Daryl ?
     - Mon stagiaire s’est perdu dans la jungle. J’ai beau lui crier après, il ne répond pas. Et je n’ose pas m’aventurer là-dedans pour ne pas me perdre… Dit le Rangers, paniqué.
     - Où est-ce que tu te trouves en ce moment ?
     Daryl observa l’environnement tout au tour de lui.
     - Je me trouve sur la route entre le portail 5 et le Centre des employés.
     - Ne bouge pas Daryl, j’arrive avec mes hommes pour qu’on le retrouve.
     Daryl le remercia puis raccrocha.
     Il s’inquiétait énormément pour son stagiaire. Il le connaissait pas beaucoup mais l’appréciait beaucoup.
     On raconte tellement d’histoires et de rumeurs sur la population de cette jungle…

***

     Jimmy se demandait où il se trouvait. Cela faisait plusieurs minutes qu’il marchait dans un sens sans parvenir à retrouver cette maudite route. Il faisait chaud et l’air était très humide ce qui l’empêchait de respirer correctement. Il trainait des pieds et se les butait contre des branchages et des racines qui sortaient de la terre.
     Le jeune homme vit alors quelque chose dépasser des feuilles, devant lui. Il se précipita dessus. Il s’agenouilla pour observer cette chose de plus près. Jimmy retira quelques feuilles.
     Un panneau ! se dit celui-ci.
     Il souleva l’objet avec précaution malgré son poids. Le poteau principal du panneau était en bois et peint en blanc. La peinture s’était écaillée au fils du temps. Plus haut était accroché un octogone avec une flèche noire pointant vers le bas à droite, sur fond blanc. Un rectangle noir indiquait juste au dessus « East Dock », écrit en orange. Enfin, un bateau blanc sur un fond circulaire bleu avait été attaché à la silhouette d’une île en noir.
     - Qu’est-ce que c’est que ça ?
     Il fut alors interpelé par quelque chose à sa droite, un peu en hauteur. Malgré la végétation, il arrivait à distinguer une Jeep Wrangler, fortement rouillée, des résidus de peinture couleur grise avec des traits épais rouges résistaient encore au temps et à la forte humidité du lieu. Le toit était composé d’une toile beige, moisie, archée par endroits, de la mousse s’était installée dessus. Une barre avec des phares avait était attachée à l’extérieur, au-dessus du par brise. Le véhicule portait le numéro 12 ainsi que le logo de Jurassic Park rouillé.
     Un bruissement de feuilles derrière lui. Jimmy se retourna et découvrit l’inimaginable, l’inconcevable…

***

     Katashi Hamada approcha de son ami, le capitaine lui serra la main. Il venait d’arriver, accompagné d’autres agents de l’ACU, à bord d’un 6X6 Mercedes G63 AMG. Ils étaient chacun habillé d’une tenue grise tachetée de bleu et portaient une casquette du même type.
     L’ACU avait été créée par la division sécurité d’InGen avec l’aide des Nations Unies pour assurer la sécurité dans Jurassic World. D’ordinaire, l’ACU est envoyée lors d’une évasion d’un dinosaure ou d’événements plus graves mais il s’agissait ici d’une exception. Hamada, commandant de cette unité, voulait absolument aider son ami qui semblait en détresse.
     - T’es sûr qu’il ne porte pas son talkie-walkie sur lui ? Demanda Katashi avec son léger accent japonais.
     Daryl réfléchit un instant. Il se remémora la scène juste avant que Jimmy ne quitte le véhicule.
     - Certains. Il l’a laissé dans la voiture.
     Hamada appuya sur un bouton rouge de son Taser Rifle. Celui-ci émit un son aigue.
     - On va devoir y aller à l’ancienne alors, fit-il.
     Le capitaine observa le taser de son ami d’un air étonné. 
     - Pourquoi tu prends ça ?
     - Tu le sais bien…
     - Ce ne sont que des rumeurs ! Expliqua Daryl.
     Katashi Hamada touche de sa main gantée sa moustache.
     - Cooper, dit-il en se tournant vers un soldat, prends le CODA Net Gun. Quant à toi Lee, prends le Dan Inject modèle JM avec les fléchettes de carfentanil qui vont avec.
     Daryl sourit.
     - Pourquoi vous avez de meilleurs jouets que nous ?
     - Parce que nous sommes plus forts, c’est tout. Allez tout le monde, en route !
     Les 4 autres hommes arrivèrent, entièrement équipés. Le groupe pénétra dans la jungle et sa forte végétation. La terre était boueuse et il arrivait parfois qu’ils s’enfonçaient, ce qui retardait la progression.
     - Jimmy ! Jimmy ! Cria Daryl.
     Aucune réponse. Daryl s’inquiétait de plus en plus et Hamada le rassurait au fils des longues minutes de la recherche. Cela faisait une quinzaine de minutes qu’ils marchaient quand un soldat de l’ACU s’arrêta.
     - C’est normal ça ?
     Il s’était arrêté devant un petit trou fait dans la terre. De petites branches et feuilles se tassaient au fond. Mais le plus inquiétant était les coquilles jaunâtres dispersées dedans. Certaines étaient cassées et vides tandis que certaines ne l’étaient pas.
     Daryl et Katashi Hamada s’échangèrent un regard. Le commandant de l’ACU s’agenouilla près du nid.
     - Quelqu’un a une idée de quelle espèce il s’agît ? Herbivore ? Carnivore ?
     - Herbivore je pense. De toute façon un carnivore ne pourrait pas survivre ici sans manger, expliqua Daryl.
     Hamada était septique. Il manipulait un des œufs cassés en quête d’indices.
     - Depuis l’ouverture du parc, on a des problèmes avec l’élevage de chèvres pour le T-rex. Chaque semaine des animaux disparaissent. Quand cela se produit, les clôtures électrifiées sont sectionnées.
     Il détourna sa tête vers Daryl et poursuivit son récit.
     - Je peux te dire que quand un animal est capable de briser du barbelé et des fils électrifiés, au risque de se faire électrocuter, c’est qu’il a vraiment, vraiment, vraiment faim.       
     Daryl ne le croyait pas, il pensait même au début que c’était une blague mais il comprit finalement que son ami était sérieux.
     - Pourquoi vous n’en parlez jamais aux réunions ? Demanda le Rangers.
     Les hommes de l’ACU échangeaient des regards, ne sachant que dire.
     - Les Nations Unies nous font confiance. Si on commence à dire que le nord de l’île n’est pas sécurisé ils vont réclamer la fin du parc ! On pensait que les spécimens en liberté allaient mourir de faim au bout de quelques jours, du moins c’est ce que la direction nous disait, mais à chaque fois les intrus attaquaient d’autres enclos… Ils sont voraces. Horriblement voraces.
     - Et vous n’avez pas jugé utile de prévenir les employés ?
     - On l’a fait. Mais pas sous forme officielle... Tu crois qu’elle vient d’où cette rumeur des dinosaures en liberté ? C’est nous. Et pourquoi crois-tu qu’on a créé une grosse clôture électrifiée autour du parc ? InGen savait qu’il y avait des risques que certains animaux aient survécus au nettoyage de l’île.
     Hamada jeta les œufs vides et cassés dans le nid, sans aucune forme de respect. Il soupira et se redressa. Il vit Cooper qui le fixait. Ses bras étaient encombrés par le CODA Net Gun, un lance-filet souvent utilisé lors des opérations de capture.
     - Contactez le PC en liaison privée, ordonna Katashi Hamada à Cooper, et informez les de la présence d’un nid à notre position.
     Daryl Blake observait la scène. Il connaissait les rumeurs mais ne les croyait pas. La vérité tombait sur lui violemment, on lui avait caché et mentit pendant des années. Le pire était qu’il aurait pu peut-être se faire attaquer un jour en dehors du parc ! Un tsunami de questions lui inonda le cerveau brutalement, symbole de son caractère curieux.
     - Et combien de nids ton équipe à découvert ? Demanda Daryl au commandant de l’ACU.
     - On en a comptabilisé près de 22 depuis 2005 mais certains dataient depuis des années. Mais dans la plupart les embryons sont morts. C’est le cas ici, les œufs sont froids. Si on prend en…
     Hamada fut coupé par un hurlement strident ! Daryl reconnu la voix immédiatement. Son cœur s’emballa, tel un moteur poussé à pleine puissance.
     - Jimmy ! Hurla t-il en courant en direction du cri.
     Lee tenta de le retenir sans grand succès. Daryl courrait à pleine vitesse, jamais il n’avait couru ainsi dans sa vie, pourtant il en avait connu des courses-poursuites avec des petits voleurs dans le parc.
     Il sautait par-dessus les racines et les arbres couchés recouvert d’un épais tapis de mousse.
     Un nouveau cri résonna dans la jungle.

***

     Jimmy Maney, le stagiaire, gisait sur le sol. Ses doigts s’encraient dans la terre, pénétrant sous ses ongles, salissant, froid, humide. Ses bras étaient tendus derrière son dos sous son poids. Son visage était tendu dans un rictus créé par la peur, la bouche grande ouverte présentant ses dents légèrement jaunies. Ses yeux ne clignaient pas, ils fixaient une silhouette étrange qui se reflétait sur la cornée vitreuse de chaque œil. Des larmes chaudes coulaient, rivières de peur sur ses joues. Le froid le faisait trembler, la peur l’immobilisait. Etrange paradoxe de la nature.
     L’animal devant lui ne bougeait gère non plus, comme surpris par la présence de cet humain dans son territoire. Les griffes pointues de ses pieds se plantaient dans la terre, les pattes légèrement fléchies dévoilant ses puissants muscles sous sa peau reptilienne couleur verte foncée tachetée de marron. La peau s’enfonçait dans sa cage thoracique sous l’effet du manque de nourriture et de proies… La proie, justement, se trouvait devant elle. Le bipède, au regard de vautour, observait celle-ci du haut de ses 1 mètre 85. Sa double crête en forme de V arborait des couleurs allant du jaune, en passant par l’orange pour finir par un rouge sang.
     Jimmy se demandait pourquoi l’animal ne l’avait toujours pas attaqué et il était essoufflé par les nombreux cris qu’il avait poussés plutôt. Le stagiaire se trouvait pourtant à 2 mètres de l’animal squelettique.
     Le dinosaure ouvrit sa mâchoire. Ses dents fines et acérées menaçaient sa proie. Un son ressemblant à celui d’un serpent à sonnette fut émit de sa gueule et sa collerette se déploya au niveau du cou. L’animal semblait plus menaçant et plus effrayant aux yeux de Jimmy.
     Celui-ci poussa un cri de terreur et les larmes tombèrent de plus belle dans un flux continu. Je vais mourir, je vais mourir, je vais mourir, se répétait Jimmy. Mais quand ? Est-ce que ça va être douloureux ?
     Le bipède cracha un liquide noir, étirable, gluant et légèrement caoutchouteux. Jimmy en reçu directement dans la tête. Il en avait dans la bouche, dans le nez et un peu dans les yeux. Ce liquide avait un goût horrible, à l’image de sa puanteur ! Il empestait la charogne, la putréfaction, la mort. Jimmy eu un haut-le-cœur mais rien ne sorti de son estomac déjà vide.
     Etrangement, le dinosaure ne bougeait pas d’un poil. Il continuait de secouer sa collerette et de produire ce son terrifiant.
     C’est alors que Jimmy sentit des fourmis dans ses bras qui le soutenaient dans le dos. Il tremblait de plus en plus. Il ne sentait plus ses jambes, incapable de les bouger d’un millimètre ! Qu’est-ce qu’il se passe ? Le jeune homme paniquait ce qui accéléra son rythme cardiaque et, inévitablement, la dispersion du poison anesthésiant dans son corps déjà bien endoloris. Sa tête lui tournait, des sortes d’étoiles dansaient dans son champ de vision, les fourmis dans son bras se propageaient et remontaient jusqu’aux épaules, les poumons, le cœur… Puis ses bras lâchèrent et il se sentit tomber en arrière sur le sol terreux et légèrement boueux.
     C’est alors que l’animal rangea sa collerette et arrêta d’émir ce son. Il s’approcha avec prudence, en douceur, du corps immobile de l’humain. Il s’approcha et renifla. Il approcha de la jambe gauche de Jimmy. Celui-ci était sans défenses, incapable de bouger le petit doigt. En revanche, ses yeux pouvaient encore bouger et il pouvait voir l’indéniable avancée du dinosaure à crête. Il vit derrière une sorte de trou entouré de branches. De petites choses blanches dépassaient un peu. Un nid ? se demanda Jimmy. Il sentit ensuite l’odeur pestilentielle de l’animal qui approchait.
     Arrivé à la jambe gauche, il se stoppa. Il fixa une nouvelle fois Jimmy, droit dans les yeux, comme s’il voulait lui dire quelque chose. Il posa ensuite les yeux sur le mollet gauche de se dernier. Il ouvrit doucement la mâchoire. C’est alors qu’il se pencha sur celui-ci à une vitesse incroyable. Jimmy sentit de l’eau couler sur sa jambe endormie… Mais il vit alors qu’il s’agissait de sang. De son sang ! L’animal affamé se redressa, un morceau de mollet dans sa gueule. Le bout de son museau était imbibé d’un sang pourpre.
     La jambe de Jimmy baignait dans le sang. Un geyser de liquide sombre jaillissait telle une fontaine. Le sang se répandait sur le sol, il ruisselait, solitaire, sur un champ de mousse. La blessure de Jimmy était horrible à voir. Des morceaux de chair en lambeau et des nerfs pendouillaient dans le vide. L’os du tibia était visible, d’un blanc innocent il fut envahit en l’espace de quelques secondes par une vague de sang. Son jean marron avait été arraché par la morsure et du sang l’imbibait.
     Le stagiaire poussa un hurlement étouffé car sa bouche refusait de s’ouvrir. Les larmes continuaient inlassablement de couler. La douleur était atroce. Même se fracturer le fémur semblait moins douloureux que cela. Il se sentit partir comme si son âme quittait son corps. Il vit alors la tête du dinosaure se pencher sur son ventre. Jimmy comprit ce qu’il voulait faire. Il va me bouffer le ventre ! En conclu-t-il.
     L’animal pencha sa tête et son buste très lentement comme s’il voulait prolonger la panique du jeune homme, le torturer mentalement et physiquement. Il ouvrit la bouche… Jimmy entendit plusieurs sifflements et le dinosaure s’écroula, 2 fléchettes plantées dans la nuque. Un filet, lancé à la vitesse de l’éclair, engloba celui-ci juste avant la chute.
     - Dilophosaure à terre ! Cria Hamada, un Dan Inject modèle JM couleur vert dans les mains.
     Daryl courut au chevet de son stagiaire. Il aperçut l’énorme plait sanguinolente.
     - Un garrot ! Vite !
     A peine Jimmy eut-il le temps d’entendre cela que ses paupières se fermèrent. Lentement…

***

     Il se réveilla. Ses yeux mirent du temps à s’accommoder. Jimmy se trouvait dans un lit d’hôpital dans une chambre aux murs blancs et bleus. Une perfusion était plantée via un cathéter sur le dos de sa main. Le liquide coulait doucement dans ses veines. Il arrivait avec un peu de difficulté à bouger ses doigts et sa tête.
     Une infirmière aux cheveux bruns/châtains se pencha au dessus de lui. Elle était magnifique, un peu comme un ange. Ses yeux marron le fixaient.
     - Bonjour Jimmy, je me présente, je m’appelle Solène Galland et je suis infirmière à Jurassic World. Comment tu te sens ? Fit-elle avec une voix aigue.
     Jimmy Maney avait la bouche très sèche et il avait du mal à parler.
     - Où je suis ? Articula t-il difficilement.
     - Nous sommes à l’hôpital de Jurassic World au Centre des employés mais ce n’est pas le plus important ; sur une échelle de 1 à 10, à combien juges-tu ta douleur ?
     - 9.
     Solène nota le résultat sur un ordinateur.
     - La morphine et la perfusion vont faire effet, si quelque chose ne va pas, n’hésitez pas à sonner. D’accord ?
     Jimmy acquiesça avant de voir que Daryl Blake et Katashi Hamada se tenaient à sa gauche. L’un tenait son chapeau de Rangers dans sa main, l’autre portait encore sa casquette ACU grise et bleue sur sa tête.
     L’infirmière adressa un sourire aux 2 hommes avant de quitter la chambre avec l’ordinateur posait sur un petit meuble en plastique à roulette.
     - Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Demanda Jimmy.
     Daryl prit son inspiration pour parler mais fut coupé par Katashi.
     - Tu as étais victime de déshydratation et tu as fait un malaise. Tu es ensuite tombé d’une descente et une racine t’a gravement déchiré une partie du mollet. Tu as perdu beaucoup de sang. C’est pour ça que tu t’es évanoui.
     - Et le dinosaure ?
     - Quel dinosaure ? Intervint Daryl.
     - A cause de ta déshydratation tu as certainement fait des hallucinations, fit Hamada en riant. Non, non, il n’y avait aucun dinosaure.  
     - Ca paraissait tellement vrai ! Indiqua le stagiaire, encore légèrement endormi.
     - Je vois que tu es encore fatigué, dit Daryl, on va te laisser te reposer alors. N’hésite pas à sonner si tu as mal ou pour quoi que ce soit.
    Les deux hommes lui adressèrent un sourire avant de quitter la pièce en fermant la porte derrière eux.

***

     Daryl ferma la porte derrière lui. Solène, l’infirmière, les attendait.
     - Il a gobé ton baratin ? Demanda celle-ci.
     - Affirmatif, répondit Hamada.
     Elle s’approcha un peu plus près de lui.
     - Tu as intérêt à régler ce problème de dinosaures en liberté très vite. J’en ai marre de mentir à mes patients moi ! Et t’as vu son mollet ? Ca se voit que c’est une morsure !
     - Ne t’inquiète pas Solène, lui dit Daryl, il ne le remarquera pas.
     L’infirmière poussa le chariot pour partir.
     - J’espère pour vous deux...
     Quand elle disparut du couloir, Katashi se tourna vers le Rangers.
     - Il a eut de la chance.
     - Heureusement que l’hôpital dispose des antidotes anti-venin de Dilophosaure… Sinon il ne serait plus là je pense. Et c’est aussi grâce à toi. Sans toi Katashi, il serait mort c’est sûr. Expliqua Daryl.
     Hamada sourit et lui tapota l’épaule.
     - C’est normal. Par contre il ne doit surtout pas savoir ce qu’il s’est passé ! Sinon, je peux te dire qu’on aura les Nations Unies sur le dos et ça sera la fin du parc. Silence radio pour ça, c’est clair ? Tu n’en parles à personne ! Seul toi, les chirurgiens, Solène, moi et les gars le savent. Je te fais confiance là-dessus.
     - Pas de soucis mon ami.
     Hamada commença à partir. Il fut coupé dans son élan par Daryl.
     - C’était la première fois ?
    Le commandant de l’ACU réfléchit longuement.
    - Non… En 2005, deux employés ont eu la bonne idée de sa balader dans les vestiges de Jurassic Park. En particulier dans la remise du générateur.
    - Et ?
    - Ils ne sont jamais revenus vivants, on a du aller récupérer leurs corps en putréfaction là-bas. Ca faisait une semaine qu’ils y moisissaient. Ils ne restaient quasiment plus rien d’eux. L’endroit était déjà connu par l’ACU. Lors du passage du Docteur Wu en 1994 sur l’île, il y a eu aussi des morts au même endroit. C’est le territoire des Procératosaurus. Ils ont réussi à survivre jusqu’en 2005 en bouffant les rats et les souris et se bouffant entre-eux. Je pense que de nos jours ces saloperies sont toutes mortes pour de bon.
     - Et vous avez trouvez quoi comme excuse ?
     - On a fait croire qu’ils étaient ivres et qu’ils sont tombés d’une falaise. De toute façon vu l’état de leurs corps… Répondit Hamada.
     - Il y en a eu d’autre d’accident de ce type après ?
     - Hormis celui d’aujourd’hui, non. Comme je te l’ai dit, c’est rare. Ce pauvre gosse à eu la mal chance de tomber dans un nid de Dilophosaure c’est tout.
    - Je pensais qu’il n’y avait aucun Dilophosaure en liberté sur l’île. InGen à toujours dit ça. Fit Daryl
     - Celle-là à du passer entre les mailles du filet. Que veux-tu que je te dise ?
     Ce dernier consulta sa montre.
     - Je suis navré, reprit-il, mais j’ai du boulot, je dois y aller.
    Il serra avec plaisir la main de Daryl et parti. Le capitaine pensait encore à ce Dilophosaure. Finalement mort sur le cou en raison de la forte dose de carfentanil qu’on lui avait administré. Elle ne l’avait pas supporté. Daryl avait vérifié ; il s’agissait d’une femelle.
     Il s’en voulait un peu qu’elle soit morte. Si elle allait dévorer Jimmy, c’est parce qu’elle n’avait pas mangé depuis longtemps et qu’elle protégeait sa progéniture.

     Après tout, que ferait une maman face à un voleur qui se trouverait juste à côté du landau de son bébé ?

mercredi 11 mai 2016

Chapitre 6: Le Stagiaire

Chapitre VI
Le Stagiaire

     Le réfectoire était à l’air libre mais surmonté d’un toit en polycarbonate qui protégeait les employés des pluies diluviennes qui s’abattaient régulièrement sur Isla Nublar. Cet espace, dédié aux employés, se situait non loin du T-rex Kingdom dans le secteur interdit au public et pouvait abriter jusqu’à une cinquantaine de personnes durant leurs pauses déjeuner.
     Parmi les quelques employés présents, deux hommes étaient installés à une table en retrait. Daryl Blake sortît une petite boîte métallique blanche de son sac à dos et l’ouvrît de manière à laisser apparaître son casse-croûte. Mike, assis face au capitaine des Rangers, avait posé ses lunettes de soleil sur la table. Ses yeux fixaient la boîte à casse-croûte de Daryl.
     - Comment fais-tu pour manger cette… chose ?
     Son supérieur sortît ensuite ses couverts qu’il avait emballé soigneusement dans une serviette de papier.
     - Ca tu vois, répondit Daryl, c’est vachement énergétique ! En tous cas bien plus que ton cheeseburger.
     Mike mordît à cet instant dans ce fameux burger qui émit un croustillement alléchant lorsqu’il atteint la salade.       
     - Et cette chose, comme tu dis, s’appelle du soja, poursuivit-il en entamant son repas.
     Mike avait la bouche pleine, ce qui ne l’empêcha pas de répondre.
     - En tous cas, à force de manger de l’herbe, tu vas finir aussi réactif qu’un brachiosaure.
     Les deux hommes se mirent à rire brillamment et furent couper par la sonnerie du portable de Mike. Son visage changea radicalement lorsqu’il lu le contenu du message.
     - Je devais t’annoncer un truc au Gentle Giant Peeting Zoo Daryl et ça ne va pas te plaire.
     Daryl ne comprenait pas ce que voulait dire par là son ami.
     - Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es malade ?
     Mike agita la tête.
     - Non, rien de grave mais ça te concerne.
     - Alors qu’est-ce qu’il se passe ?
     Daryl commençait à avoir peur. Il sentait la chaleur montait à sa tête, de la sueur coulait sur son front à la peau bronzée.
     - Tu vas devoir t’occuper d’un stagiaire, lui répondit Mike presque inaudible, comme s’il ne voulait pas que Daryl l’entende.  
     Pourtant Daryl avait très bien entendu. Il n’en croyait pas ses oreilles ! Comment ont-ils eut le culot de lui coller un stagiaire ? pensa t-il.
     - Quoi ?! 
     - Je te jure ce n’est pas de ma faute ! Je leur ai dit que tu n’en voudrais mais ils n’ont pas voulu m’écouter, se défendit Mike. Je leur dit quoi alors ?
     Il tenait son portable à la main pour prouver ce qu’il disait.
     - De toute façon je suis obligé d’accepter, que veux-tu que je te dise ?
     - Ecoute, si tu veux je peux le prendre à ta place. Il n’y a aucun problème.
     Daryl réfléchît un instant aux multiples décisions qu’il pourrait prendre mais aussi sur la proposition de son collègue.
     - Non laisse tomber, je vais m’en occuper. C’était gentil de ta part quand même.
     Mike envoya un message pour confirmer le choix. Il en reçu un autre juste après.
     - Le stagiaire t’attend au portail de Main Street, devant le spinosaure, fit-il.
     - Je n’ai même pas le temps de manger ? S’étonna Daryl.
     Son ami eu un petit rictus.
     - Allons capitaine ! Vous n’allez quand même pas faire attendre votre cher invité !
    - Je vais me gêner…
    Ils éclatèrent de rire et poursuivirent leur déjeuner.   

***

     Sebastian Gonza se tenait toujours devant la petite porte donnant sur Main Street. Daryl approcha d’un pas déterminé et lorsqu’il vît le Rangers costa ricain, il ne pu se retenir de lui sourire.
     - Toujours fidèle au poste Sébastian ?
     - Constamment mon capitaine, répondit l’homme avec un accent espagnol.
     Daryl Blake lui tapota amicalement l’épaule pour l’encourager.
     - Tu vas pouvoir bientôt te reposer l’ami. Ca va te faire du bien, tu verras.
     Gonza déverrouilla la porte en tapant un code sur une console à sa droite.
     - Je ne sais pas mon capitaine… C’est grâce à Jurassic World que ma famille et moi pouvons vivre. Elle amène des touristes dans mon pays, c’est bon pour notre économie et je peux vous dire qu’avant nous vivions que de la pauvre pêche. Sans Jurassic World, mon pays n’est rien, je ne suis rien ! Et j’en suis reconnaissant de Masrani Global et des Nations Unies d’avoir choisi une île proche et installé leurs ports de départ au Costa Rica. En quelque sorte je dois ma vie à ce parc et c’est avec plaisir que je travaille ici.
     Daryl écoutait attentivement ce que lui racontait Sébastian et cela l’émouvait. Il n’avait jamais pensé à l’impacte économique que pouvait représenter Jurassic World pour un pays comme le Costa Rica. Ce parc avait non seulement recréé des dinosaures mais avait aussi recréé des emplois et éradiqué le taux de chômage du pays. D’après les rumeurs qui circulaient au sein du parc, Simon Masrani annoncerait très prochainement la construction d’autres parcs Jurassic World dans le monde entier ! Jurassic World est-il le remède du chômage et de la pauvreté dans certains pays ?
     - Je comprends ce que tu me dis là Sébastian et je peux t’avouer que cela me touche mais il faut que tu te reposes, pour ta santé.
     Le sud-américain appuya sur le bouton « ENTRER » du panneau tactile et la porte se déverrouilla complètement cette fois.
     - Je vais vous écouter alors, conclu celui-ci et pénétrant, accompagné de son supérieur hiérarchique dans le sas obscure. La deuxième porte s’ouvrît pour laisser place à Main Street bondé à cette heure du midi.
     Daryl lui serra chaleureusement la main.
     - Sage décision. Je vais devoir te laisser j’ai du travail, tu salueras ta famille de ma part d’accord ?
     - Ca sera fait mon capitaine, la mienne vous salue également.
     Daryl s’éloigna en prenant la direction du squelette de spinosaure. Il repensait encore à Sébastian Gonza. Celui-ci faisait parti des membres du personnel qu’il estimait beaucoup, une personne très gentille qui veut vous rendre service n’importe quand, n’importe où. Lui et Mike feront parti des personnes qui lui manqueront quand il quittera le parc.
     Il scrutait les lieux avec attention, à la recherche du stagiaire qu’il devait prendre sous son aile. Il vît alors un homme d’une vingtaine d’année courir vers lui. Il était blond, les côtés et l’arrière du crâne étaient rasés tandis que le haut était coiffé avec du gel. Il avait des yeux marron perçant et les traits du visage durs. Ses joues étaient creuses, sa peau presque tendue. Il portait la tenue réglementaire des Rangers du parc : une chemise beige/caramel, un pantalon marron.
     - Capitaine Blake ? C’est bien vous ? Fit l’arrivant légèrement essoufflé.
     - C’est bien cela. Jimmy Maney je présume ?
     Le jeune homme acquiesça, il était souriant et cela plaisait à Daryl. Il lui serra franchement la main. Tellement fort, que celle du nouveau lui paraissait douloureuse.
     - Alors voici ta carte, reprît le capitaine en lui tendant une petite carte plastifiée. C’est très important. C’est un peu comme une carte d’identité au sein du parc. Ne la perd surtout pas.
    Elle ressemblait beaucoup à une carte d’identité standard avec le nom, le prénom, la date de naissance. Le métier qu’il exerçait était aussi noté mais suivit de la mention « stagiaire » juste après. La signature de Peter McGonha, le chef des Rangers, figurait à gauche tandis qu’un QR code était imprimé à droite.
     Jimmy le remercia avec un large sourire. Daryl n’avait pas encore fini.
     - Ensuite, voici ton badge Jurassic World que tu attaches côté gauche, au niveau de la poitrine. Tu remarqueras que ton nom y est noté, c’est pour le visiteur, ça n’a pas de grande importance.
     Le stagiaire fixa le badge à l’endroit que lui avait indiqué Daryl, sans broncher. Cet état d’esprit faisait plaisir au capitaine. Enfin un stagiaire qui ne se plaint pas et qui ne conteste pas les ordres.
     Ceci effectué, le garçon releva la tête.
     - Et après ?
     - On patrouille, on vérifie que tout se passe bien ici, répondit Daryl. Tranquillement pour commencer ta première journée.
     Les deux hommes se mirent à marcher et dépassèrent l’énorme squelette du spinosaure pour s’insérer ensuite dans la foule en direction du Samsung Innovation Center. Des musiques étaient diffusées par les haut-parleurs de l’avenue commerçante. Daryl et Jimmy marchaient d’un pas tranquille, sans se presser puisqu’il n’y avait pas de raison apparente. Le stagiaire ne portait pas de lunettes de soleil, ce qui le gênait énormément. Il s’efforçait donc de regarder le sol pour ne pas être éblouie. 
     Daryl rompît le silence qui s’était installé entre-eux depuis un petit instant.
     - Combien de temps dure ton stage ?
     - 2 semaines. De quoi apprendre les bases du métier.
     - Crois-moi, ce n’est pas en 2 semaines qu’on apprend les bases du métier. On en apprend tous les jours même si les tâches sont très répétitives, confessa le capitaine.
     - Je voulais faire un stage avant de m’engager définitivement. Histoire de voir si le métier me plaît.
     - Excellente initiative. Plus malin que certains nouveaux Rangers que je dirige. Ils arrivent, pensent que c’est boulot tout bête et à la première difficulté ils craquent. Sauf qu’ils oublient qu’ils ont signé pour deux ans et c’est là, à cet instant, qu’ils regrettent. Tu faisais quoi avant de t’inscrire à cette formation ?
     Jimmy se frotta le front humide avec le dos du poignet.
     - Avant ? Avant j’étais dans une école de police dans le Missouri. Quand je suis sorti de l’école je me disais qu’il serait intéressant de travailler dans un endroit que j’apprécie. Le soleil, les filles, l’animation, les soirées… Et c’est comme ça que je me retrouve ici. Et vous ? Vous êtes là depuis l’ouverture ?
     Daryl Blake se mît à rire avant de lui répondre. Décidément j’adore ce gamin.
     - Non, je bossais à Disneyland à Anaheim en Californie, dans la sécurité. Quand j’ai débuté j’avais 24 ans. C’est même là-bas que j’ai rencontré ma femme. Je suis arrivé ici en 2009 juste pour le salaire. Ma femme et moi venions d’avoir notre deuxième fils, Colin. On était en manque d’argent alors je me suis sacrifié. Maintenant que la situation s’est améliorée, je vais pouvoir retourner au pays, et on emménagera à Washington, ça changera de l’air sec de la Californie.
     Jimmy était de plus en plus gêné par le soleil et Daryl le remarqua.
     - Tu n’as pas prît de lunettes de soleil ?
     -  Je les ai oubliées chez moi hier.
     - Il y a un Jurassic World Traders sur la droite, tu le vois ? Va t’acheter une paire et ça ira mieux.
     Le jeune homme fouilla dans ses poches à la recherche d’argent mais il ne trouva rien d’autre qu’un paquet de chewing-gum.
     - Je n’ai pas d’argent…
     Le capitaine roula les yeux un fit un Pff d’énervement. Puis il fouilla dans une de ses poches et en sortie deux billets de 5$.
     - Tien prends ça mais tu as intérêt à me rembourser.
     Le stagiaire était stupéfié.
     - Ne vous inquiétez pas, je vous rembourserais sans problème !
     Il se dirigea vers la petite boutique en bois située devant le BookShop, lui-même situé face au squelette de spinosaure. Jimmy s’approcha du comptoir où il fût accueilli par le vendeur.
     Daryl Blake attendait pendant ce temps là. Il découvrit un portefeuille en cuire gisant sur le sol et le ramassa. Il l’ouvrit en le dépliant pour tenter d’en savoir plus sur son propriétaire. Ses yeux s’arrêtèrent sur une carte d’entreprise. Telle la carte qu’il avait donné à Jimmy précédemment, le nom du propriétaire et le celui de son entreprise apparaissait. Le propriétaire de ce portefeuille se nommait Brice Edwards et travaillait pour une entreprise dénommée Biological Synthetics Technologies alias Biosyn.
     Biosyn ? Ce nom rappelait vaguement quelque chose à Daryl.
     - De toute façon ça ne me regarde pas, dit-il, je l’amènerais aux objets trouvés plus tard.
     Le portable vibra soudain dans sa poche et il décrocha.
     - Capitaine Blake, à votre écoute.
     La voix d’un homme sortit du combiné.
     - Oui, ici Lowery Cruthers du PC sécurité. Nous avons une urgence avec l’attraction des Gyrosphères, une des machines est tombée en panne. Je viens de contacter la maintenance et ils sont en route.
     - D’accord, on sait qui est dedans ? Demanda Daryl.
     - Alors, la gyrosphère est occupée par un homme et un petit garçon. Par contre si vous pouviez faire vite s’il vous plaît car le garçon est en pleine panique. Je vous envoie les coordonnées par message.
     - Bien reçu PC, restez en contact avec eux jusqu’à ce qu’on arrive.
     - Ok, pas de soucis. Merci.
     L’homme raccrocha. Jimmy arriva juste après, ses lunettes de soleil sur le nez. Il avait choisi une paire en plastique de couleur noire avec des branches épaisses.
     - Encore merci. Ne sont-elles pas magnifiques ? Fit l’arrivant.
     Le capitaine lui montra l’écran de son portable avec le message contenant les coordonnées de l’intervention.
     - Pas le temps de discuter, voici ta première urgence !
     Le visage du stagiaire changea brusquement, passant de la joie à l’inquiétude. Il sentit son estomac se contracter sous l’effet du stress.
     - Vraiment ? Fit-il, inquiet.
     - Oui, vraiment. Allez, suis-moi et au pas de course vers la voiture.

***

     Un parfum de grillade envahissait le restaurant de Main Street, le Winston’s. Le restaurant faisait coin à proximité du Samsung Innovation Center, d’une station de monorail et de l’entrée du T-rex Kingdom. Le cuisinier disposait de très belles pièces de viande d’un rouge magnifique sur les grilles brulantes. Au contact de ces grilles, les pièces frétillaient et délivraient un parfum appétissant.
     Un autre cuisinier, d’origine costa ricaine, agita la petite clochette et disposa 2 assiettes remplies de frites bien chaudes accompagnées d’une salade fraîche. Le cuisinier responsable des grillades prit ces assiettes et les posa sur une table métallique. Il prit ensuite sa pince, saisi une des pièces de viandes qu’il avait posé tout à l’heure et la déposa délicatement sur l’assiette encore chaude. Il l’essuya avec minutie à l’aide d’un chiffon propre pour retirer le sang qui l’avait taché. Il répéta la même opération avec la seconde sous les yeux attentifs des visiteurs de la rue principale.
     Le cuisinier partît ensuite vers la salle. Il s’arrêta à une table collée à la vitre, donnant sur Main Street. Il déposa la première assiette devant un jeune homme et la seconde à une adolescente.
     - Bon appétit, leur annonça le cuisinier souriant avant de retourner à son poste de travail.
     - Merci, lui répondit John en même temps que Clarissa.
     Il prit sa serviette blanche en tissu, la posa soigneusement sur ses genoux et commença à manger suivit par sa sœur et ses parents.
     Marc prit la parole le premier entre deux bouchées.
     - 13h43, alors cette journée ?
     - Excellente ! Mais elle n’est pas finie ! Informa John.
     Lizzy était heureuse. C’était la première fois depuis longtemps qu’elle voyait ses enfants pleins de joie, ne se battant pas. C’est alors qu’une idée lui monta à l’esprit.
     - Et si on allait voir le Tyrannosaure juste après ?! Annonça t-elle pleine d’enthousiasme.
      La nostalgie imprégna soudain Clarissa. Elle se souvint alors des moments passés avec son frère, à jouer avec des figurines de dinosaures. Elle voulait tout le temps avoir le T-rex même s’il fallait se battre avec John.
     - Moi je suis partante !
     John était étonné. Jamais il n’aurait cru sa sœur capable d’être autant joyeuse à l’idée d’aller voir un dinosaure. Décidément, ce séjour était plus que surprenant.

***

     Le 4x4 Mercedes Classe G de Daryl s’arrêta dans la plaine des Gyrosphères. Le duo descendit du véhicule et marchèrent dans l’herbe en direction de la gyrosphère en panne. L’herbe montait jusque leurs chevilles, régulièrement aplatie par les engins ressemblant, à s’y méprendre, à des boules à hamster géante.
     Le groupe de maintenance était déjà sur les lieux et avaient garé leur Mercedes Sprinter, couleur grise avec le logo bleu du tyrannosaure sur les portières avant, juste à côté de la gyrosphère. Une remorque spécialement créée pour transporter ces boules géantes à travers l’île avait été attachée à l’utilitaire. Les deux employés portaient des blouses de travail couleur grise. L’un était entré dans la gyrosphère, il avait soulevait la plaque bleu du sol de l’engin et inspectait l’intérieur grâce à une lampe torche. Le second, un homme à la peau noire se trouvait à côté de l’homme et du petit garçon. Il tenait un bloc note dans ses mains et notait tout ce que pouvait lui dire l’homme qui pourrait les aider à comprendre ce qu’il s’était passé.
     Daryl et Jimmy s’approchèrent du petit groupe, mais ils n’étaient pas seuls, d’autres Rangers étaient présents pour assurer la sécurité. De plus, des Apatosaurus de plus en plus curieux, commençaient à s’approcher.   
      - Bonjour ! Je suis le capitaine Daryl Blake et voici Jimmy Maney, mon… assistant, expliqua celui-ci en montrant son stagiaire.
     Ils serrèrent chacun la main de l’homme. Daryl s’approcha ensuite du garçon.
     - Salut bonhomme, dit-il en lui ébouriffant ses cheveux châtains.
     Il retourna ensuite auprès du père.
     - Que s’est-il passé au juste ? Y avait-il des signes avant coureurs quand l’attraction à débuté ?
     - Oui, dès le début les commandes ne répondaient pas ou il y avait un temps de retard avant que l’action ne se fasse.
     L’employé de la maintenance à la peau noire continuait de prendre des notes pendant que l’homme racontait sa mésaventure.
     - Il me semble même que des fois on entendait des grésillements sous la plaque où on pose nos pieds, poursuivît-il. Au début je croyais que c’était normal puisque c’est la première fois que nous venons ici mais… visiblement non.
     - Vous avez vu des dinosaures dans cette attraction au moins ? Questionna Jimmy.
     - Pas vraiment, un ou deux. Je ne connais pas leurs noms. Vous voyez ceux avec les cornes ?
     - Des tricératops ? Hésita le stagiaire.
     - Oui voila ! C’est ça ! Fit l’homme.
     L’autre employé de la maintenance sortit de la gyrosphère et s’approcha.
     - Bon, commença t-il, tout a grillé, les fils, le moteur… En gros le gyroscope est foutu.
     Il avait les mains complètements noires salies par la graisse.
     Le second employé prît la parole de sa voix grave.
     - Il va falloir la ramener au centre de réparation du coup. On a bien fait de prendre le transporteur !
     Il émît un petit rire, pour dédramatiser la situation.
     Jimmy Maney observait les apatosaures curieux avec fascination mais la peur le prenait petit à petit. En effet, les animaux s’approchez, ils étaient à 80 mètres, puis 70, 60…
     - C’est normal qu’ils avancent aussi près ?
     Daryl vit la peur dans les yeux du stagiaire, ce qui l’amusait beaucoup. Mais il comprenait, lui aussi avait eut très peur à sa première intervention. Il s’agissait de récupérer un sac tombé dans la Volière. Les reptiles volants étaient littéralement énervés par sa présence, ne voulant pas partager leur territoire avec cet intrus.
     - C’est normal, ils sont curieux c’est tout, comme toi et moi. De toute façon ils ne peuvent pas s’approcher trop près avec leurs puces électroniques.
    La réponse de Daryl ne rassura pas pour autant Jimmy mais il essaya de se concentrer sur la mission plus tôt que sur les dinosaures.  
     - Quant à moi, je vais vous ramener. Vous souhaitez à la station monorail de l’attraction ou à Main Street ? Demanda Daryl aux deux visiteurs.
     - Qu’est ce que tu en penses Chris ? Lança le père.
     Son fils bondit soudain en criant :
     - Main Street !!!
     A peine Daryl avait-il commencé à se diriger en compagnie des visiteurs qu’il fût coupé par Jimmy.
     - Moi je reste ici pour aider, indiqua ce dernier.
     Daryl se tourna vers le père et le fils leur demandant si ça ne les dérangeait pas d’attendre un peu. L’homme répondit positivement et les deux Rangers prirent la direction de l’équipe de maintenance.
     Ces derniers avaient déjà positionné le Mercedes Sprinter et la remorque juste devant la gyrosphère, à quelques centimètres.
     - Comment vous faites pour installer la gyrosphère sur la remorque ? Demanda Jimmy.
     L’arrière de la remorque comportait une plaque métallique d’un mètre et demi qui se levait et s’abaissait comme un pont-levis. Celle-ci avait été abaissée juste aux pieds de la boule.
     -Comme nous ne pouvons pas attacher la gyrosphère avec un câble, expliqua l’employé noir, nous utilisons une sorte de « rayon tracteur ». Ca fonctionne un peu comme des aimants. La boîte que tu vois devant la remorque est le « plus » tandis qu’un gros aimant « moins » se trouve dans la gyrosphère.
     L’employé sortit une clef et déverrouilla la boîte. Pendant ce temps là, l’autre plaçait des cals derrière « la boule à hamster » pour l’empêcher de partir dans le sens opposé.
     - Tu as retiré la sécurité Derek ? Demanda l’employé à la boîte métallique blanche de la remorque.
     Le second lui répondit en levant le pouce vers le haut.
     - C’est parti !
     Il appuya sur le bouton orange circulaire ce qui produit un étrange son. La grosse boule commença à rouler doucement vers la remorque et débuta l’ascension de la plaque métallique. Arrivé au centre de cette remorque, elle se logea dans une sorte de petit goulot d’étranglement qui maintiendrait l’engin en place durant le trajet.     
     - Je ne comprends pas, fit Jimmy, quelle sécurité ?
     Daryl s’approcha de lui.
     - Quand une gyrosphère cesse de fonctionner ou s’arrête, une goupille s’insère dans le mécanisme du gyroscope empêchant le verre de tourner ou bouger.
    - Une sorte de frein à main en gros ?
    - Oui voila. Ce système peut être retiré grâce à un code pour qu’on puisse la déplacer plus ou moins manuellement.
     Jimmy acquiesça de la tête.
     - Bon il est temps d’y aller, pas la peine de faire attendre nos visiteurs pour rien. Surtout qu’en plus on n’a rien fait, dit Daryl.
     - C’était le but, expliqua le stagiaire, le sourire aux lèvres.
     Daryl se mît à rire.
     - Je ne sais pas si je te l’ai dit mais je t’adore.
     Il lui tapota l’épaule tout en se dirigeant vers le véhicule et les visiteurs. Le petit garçon était en train de jouer dans l’herbe pendant que le père le prenait en photo.
     - On va pouvoir y aller, annonça le capitaine.
     Il s’installa à la place du conducteur, Jimmy à la place passager avant, tandis que le père et le fils à l’arrière. Daryl démarra, faisant vrombir le moteur d’une puissance exceptionnelle.
     - Vous permettez que je passe un appel à ma femme, car ça ne passait pas dans la gyrosphère ? demanda l’homme, portable en main.
     - Pas de problème, faites ce que vous voulez. Oui, le réseau passe très mal dans ces engins à cause de l’épaisseur des vitres.
     L’homme passa son coup de téléphone sans aucun problème. Quand il raccrocha, il se souvint qu’il avait oublié quelque chose.
     - J’avais oublié, je me présente, moi c’est Phillip Bothman, je travaille au zoo de Washington dans le marketing.
     Le zoo de Washington ! pensa Daryl.  
     - Excellent ! Justement je comptais postuler là-bas.
     - Je vais retenir votre nom alors. Daryl Blake ? C’est ça ?
     - C’est exactement ça, dit le capitaine.
     Il n’en croyait pas ses oreilles ! Daryl pensait être dans un rêve. Combien y avait-il de chances pour qu’il rencontre un membre de l’administration du zoo où il souhaitait travailler ? Il ne le savait pas.

     Décidément, le hasard fait bien les choses…